Publié par : hirofarepote | avril 15, 2015

Campagne des sénatoriales : sortirons nous de la démagogie populiste ?

J’ai écouté les premiers propos de nos candidats aux sénatoriales et je suis assez surpris par la parole politique de certains, car elle relève véritablement de la démagogie populiste.

Passe encore que l’on considère comme une victoire le retardement de certaines échéances obligatoires des communes pour rendre les services élémentaires qu’elles doivent aux citoyens, tels que le prévoient les dispositions du CGCT. Cause invoquée : communes pas prêtes et financements des investissements nécessaires insuffisants…. Des décennies de gestion communale pour en arriver là…. Les citoyens des communes en retard attendront encore… Bref…

Mais balancer des chiffres tels que les 54 milliards de coûts supportés par la CPS pour cause de maladies radio induites « directement » (?) liées aux essais nucléaires et les 90 milliards d’indemnisation réclamée au titre de « l’occupation » des atolls de Mururoa et Fangataufa, en faisant croire qu’il s’agit là de « dettes » potentielles de l’Etat français à l’égard des polynésiens qu’il se doit de régler rapidement et rubis sur l’ongle, relève de la démagogie la plus pure. C’est vrai qu’il faut en profiter pour taper sur « l’Etat socialiste » au pouvoir en Métropole…

Eternelle fuite en avant dans les rêves et les illusions du retour au bon vieux temps où les milliards pleuvaient : les fonds CEP, puis les fonds d’après CEP de Jacques CHIRAC…. les fameux 18 milliards par an qui devaient servir à l’investissement et qui servent de plus en plus au fonctionnement d’un Pays qui vit au-dessus de ses moyens…

Si ces dizaines de milliards nous étaient « dûs », pourquoi ne nous sont-ils pas arrivés depuis 2000 ? Qu’ont fait nos gouvernements locaux successifs pour convaincre l’Etat du bien fondé de ces demandes ? Pourquoi certains, qui défendaient les essais nucléaires avec zèle et relayaient les discours d’innocuité de ces derniers, viennent présenter une facture de 54 milliards avec autant de zèle de nouveau converti ? Quelle hypocrisie …. ou quel machiavélisme pour tenter d’avoir les voix des grands électeurs « upldiens »…

La démagogie se poursuit quand on entend certains – toujours les mêmes – dire :

  • contrat de projets ?  Pas assez ;
  • RST ? Peanuts, cacahuètes.

Que n’ont-ils fait, en 16 mois de gouvernance, depuis les dernières élections territoriales, pour obtenir quelques milliards des dizaines de milliards de F CFP que « doit » l’Etat, selon leurs dires ?

Bien sûr que les besoins sociaux sont immenses, bien sûr que les communes ont des besoins de financement prioritaires qui se chiffrent à plus de 100 milliards de F CFP, bien sûr que la CPS est proche de l’abime par impéritie de nos administrateurs et gouvernants successifs, bien sûr que le RST est une bombe à retardement potentielle. Mais de là à faire croire que le cargo culte de « la dette de l’Etat » y pourvoira, c’est prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages.

Discours démagogique, donc, alors qu’il faudrait un discours pédagogique.

Partir en premier lieu d’un principe : aides-toi et le ciel t’aidera. N’est ce pas le principe de base d’un autonomiste ( et encore plus d’un indépendantiste) qui se respecte ?

Dans le domaine de la solidarité et de la santé, il nous faut nous même redresser la barre, car nos comptes sont désastreux. Qui les ont plombé, si ce n’est nous mêmes par nos comportements « autonomes » ? Qui les ont laissé dériver, si ce ne sont nos partenaires sociaux et nos politiques, autonomistes et indépendantistes confondus ? La solution est donc d’abord interne : elle est de notre responsabilité collective. 

Pourquoi, dès lors, faire croire qu’il ne faut pas faire d’effort de redressement, et qu’à la place de cet effort, l’Etat « n’a qu’a » nous faire un chèque de plusieurs milliards ? Pourquoi ceux qui « exigent » n’ont-ils pas obtenu ce fameux chèque durant leur mandat ? Démagogie…

L’autonomiste peut effectivement y rajouter : nous sommes dans l’ensemble français et l’Etat est garant de la solidarité nationale. L’Etat le prouve tous les jours. Il va plus loin lorsqu’on lui présente des dossiers bien ficelés. Il peut et doit aller plus loin, c’est certain. Mais tout l’art est dans la négociation. Et de la négociation, naît le compromis.

Dans la crise des finances publiques que connait l’Etat, les compromis sont là.

Le contrat de projets a été négocié et il est ce qu’il est.

Le retour de l’Etat au RST a été négocié très récemment par le gouvernement Fritch et il est ce qu’il est.Il pose, certes, des conditions, mais ces conditions, n’était ce pas à nous de les poser à nous-mêmes si nous étions responsables et si nous avons la volonté de redresser nos comptes ?

Alors, bien sûr, les démagogues peuvent toujours dire : « pas assez. On nous doit des dizaines de milliards ». Facile…. Comme dit l’autre, la critique est facile, mais l’art est difficile. Et l’art d’un bon politique, c’est plutôt d’être crédible, sérieux et réaliste, tout en étant animé d’une rigueur et d’une volonté sans faille.

Heureusement, grâce tout de même au bon niveau de conscience politique des polynésiens, les démagogues finiront par être démasqués, car ils ne proposent pas de solutions réalistes. Avant même qu’ils ne montrent eux-mêmes leur impuissance, si et quand, par malheur, ils arrivent au pouvoir.

Car qu’obtiendront-ils de ce qu’ils réclament à grands cris à ce moment là ? Le roi sera nu et, nous, nous aurons les yeux pour pleurer…

img_0319


Réponses

  1. Hiro ! alors là tu me plais… Il était temps de lancer un pavé dans la marre !
    Je diffuse ce texte un maximum et j’attends les réactions de nos ami(e)s avec impatience.

  2. Je lit depuis des années vos parutions qui sont si pertinentes et désespérantes de vérité! Je craints que malheureusement la démagogie politique omniprésente de nos élus, leur manque de vision , de compétences et surtout de courage politique fassent que rien ne changera et que la Polynésie ne retrouvera pas le chemin de la croissance alors que toute la zone pacifique est en nette progression !
    Entrepreneur depuis plus de 20 ans en Polynésie, j’y ai presque laisse ma chemise et perdu le fruit de deux décennies de travail parce que  »j’y croyais  ». Il faut bien se rendre a l’évidence, sans un électrochoc magistral des mentalités, sans une refonte totale du système fiscal qui appartient a une autre époque, sans une loi drastiques sur les monopoles (toujours a l’étude …), sans un dégraissage massif d’une administration compliquée et inefficace, nous continueront a nous enfoncer. Les études en tout genre, les états généraux et de superbes projets garnissent les placards et nourrissent les cancrelats…
    Non, je ne vois pas d’issue. Peut être faudra il que ce pays devienne indépendant pour que les salaires soient réajustés a leur juste niveau comme a Fiji par exemple … et que certains syndicalistes faiseurs de gréve et qui empoche des millions pour par la suite les défaire soient définitivement mis hors d’état de nuire … au lieu de passer en prime time a la tele… voila le paradoxe polynésien !

  3. Bonjour Hiro,

    Pour moi, l’enjeu de taper aujourd’hui sur l’Etat est très simple : amadouer effectivement l’UPLD pour un partage des sièges au second tour de l’élection sénatoriale, et couper ainsi l’herbe sous le pied des frondeurs du TH. Mieux vaut avoir un seul élu que pas du tout… Je fabule peut-être, mais je donne rendez-vous le 03 mai et ferai mon mea culpa s’il le faut.

    Mais taper sur l’Etat a toujours été le sport national de nos élus polynésiens : cela leur permettait effectivement de masquer leurs propres insuffisances et échecs, et/ou pour réclamer davantage de compétences que l’Etat ne savait bien entendu pas gérer.

    Malheureusement, bien d’accord avec ton analyse, mais encore une fois, c’est le discours récurrents de nombreux politiques de tout bord.

  4. Bonjour. Je cherche sur internet, dans les journaux, sur le site du TH, la méthode de clacul de leurs 54 milliards réclamés à l’Etat au titre de l’indemnisation des maladies radio-induites surppportés par la CPS. Confirmez-vous que le taho’era’a s’est contenté d’additionner tous les frais remboursés par la CPS pour des maladies présentes sur la liste de maladies potentiellement indemnisées par la Loi Morin? Sans démontrer à aucun moment le lien réel entre les essais nucléaires et ces pathologies? je rappelle que dans cette liste Morin, il y a par exemple le cancer du poumon ou celui du foie. Si j’ai bu et fumé toute ma vie sans jamais vivre à moins de 1000 km de Moruroa, et que la CPS m’a pris en charge, ces frais entrent-ils dans les 54 milliards réclamés à l’Etat? Vaste escroquerie intellectuelle, si c’est le cas… Merci de vos lumières, car c’est le vaste flou…

    • Bonjour pataha noa,

      C’est aussi ce que j’ai compris à défaut d’avoir des explications détaillées de la Caisse de prévoyance sociale et des administrateurs syndicalistes qui ont ensuite véhiculé cette information émanant, semble-t-il, des services internes de la Cps

      En effet, ce sont ces administrateurs syndicalistes qui ont diffusé en premier cette information, relayée, ensuite, par quelques élus politiques.

      Il faudrait, effectivement, que la CPS nous explicite sa méthode de calcul pour aboutir à ce résultat, mais je crois bien qu’elle ait fait ce calcul de manière indifférenciée, sans lien de cause à effet entre ces maladies et les radiations.

      Quand on sait que le cancer est aussi une maladie de civilisation qui peut avoir des causes autres que les essais nucléaires, la « démonstration » risque d’être difficile….

      C’est en ce sens que certains font preuve de démagogie, car ils entretiennent des espoirs illusoires au sein de la population.

      • Bonjour,
        ce chiffre de 54 milliards ne me paraît pas anormal, à priori. Quand on sait le nombre de personnes civiles qui ont travaillé au CEP, CEA et annexes, ainsi qu’aux autres entreprises privées… et cela pendant 30 ans, ce chiffre est possible si l’on compte les remboursements « maladie », « accidents » et « maladies professionnelles ». Mais si l’état devait rembourser ces dépenses, il pourrait exiger les remboursements des cotisations ; dans ce cas, je ne pense pas que la CPS soit gagnante. Bien sur, il y a eu des cas de maladie normale qui en fait sont considérées maintenant pour des maladies professionnelles (irradié), mais cela aurait couté plus cher à la CPS, le remboursement étant de 100% au lieu de 80%, de plus, la victime peut recevoir ensuite une indemnité temporaire ou permanente.

      • Merci Hiro. Je crois en effet me souvenir que Terorotua avait été le premier a annoncer un chiffre de la sorte.
        @carabasse : normal? pas normal? qui sait? Mais je suis curieux de savoir comment ce chiffre est justifié. Comment la CPS tombe-t-elle sur ce chiffre (conséquent), alors qu’il est si complexe de faire reconnaître en justice le lien de causalité entre la présence sur les lieux et la pathologie? L’explication la plus plausible est qu’ils aient mis dans le même panier toutes les dépenses reliées de près ou de loin aux pathologies présentes dans la liste. Or, il y a mille raisons d’avoir des cancers. La preuve est que les gensen ont dans le monde entier. Trop facile d’aller taparu l’Etat de cette manière…


Laisser un commentaire

Catégories