Publié par : hirofarepote | Mai 30, 2015

Quelle intégration régionale pour la Polynésie française ?

 L’Etat, l’Europe, la Nouvelle -Zélande, l’Australie… ont beau encourager l’intégration régionale de la Polynésie française, rien n’y fait : beaucoup de discours et de bonnes intentions, peu d’avancées concrètes. Il faut dire que les ressources dont disposent les institutions régionales ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Les échanges économiques entre pays insulaires du Pacifique représentent epsilon de leur balance commerciale : ils produisent souvent la même chose au plan agricole et agro alimentaire (chacun sa bière « nationale, par exemple…), se protègent par des subterfuges divers et variés les uns des autres et avancent à reculons dans les accords d’échanges régionaux (PICTA, PACER, PACER +) au grand dam des puissances économiques régionales libre-échangistes que sont l’Australie et la Nouvelle-Zélande. En fait, seuls les « forts » de la région pacifique militent pour une intensification des échanges économiques, car ils y voient leur propre intérêt.

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La réalité de la mondialisation économique fait son oeuvre : l’intégration économique se fait entre petits pays insulaires et grandes puissances régionales et mondiales, mais non pas entre pays insulaires eux-mêmes.

En effet, les échanges se polarisent de plus en plus : exportations de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, de la Chine et du reste de l’Asie du Sud-Est vers les pays insulaires « importateurs », au détriment, souvent, des vieilles puissances coloniales européennes.

Il faut dire que les pays de l’Union européenne ont levé depuis les barrières règlementaires qui « imposaient » un commerce captif entre leurs anciennes colonies et la « Métropole ». Les accords internationaux et régionaux de libéralisation économique sont passés par là et les lois de la géographie économique s’imposent de plus en plus aux pays insulaires, Polynésie française comprise.

Ainsi, la part de la France métropolitaine et de l’Union Européenne dans les importations de la Polynésie baisse progressivement depuis plusieurs décennies (de près des 3/4 à moins de la moitié aujourd’hui) au bénéfice de la Nouvelle-Zélande,  de la Chine (Hong Kong compris), de l’Australie, de Singapour, des Etats Unis et d’autres pays asiatiques. Tyrannie de la distance oblige… et nous avons, en tant que clients, l’embarras du choix de plus en plus « à proximité » de chez nous, grâce au développement fulgurant des pays émergents.

Le Forum du Pacifique, auquel la Polynésie française est associée (comme la Nouvelle Calédonie, d’ailleurs, mais cette dernière milite pour un statut de membre  » à part entière » du forum), essaie d’organiser la coopération fonctionnelle collective, grâce notamment à des fonds des grandes puissances de la région et du monde (Fonds européen de développement notamment), mais là aussi, beaucoup de rencontres et de discours de « leaders », mais peu de concret.

Les accords d’intégration économique au sein du Pacifique insulaire sont en panne, quoiqu’en disent les palabres de la « Pacific Way ». Difficile de vaincre le protectionnisme insulaire implicite défendu par des lobbies économiques locaux frileux qui ne veulent surtout pas affronter le grand large. Résultat : des productions « nationales » peu compétitives, des produits à la qualité médiocre et des prix imposés à leurs populations extrêmement élevés

La Communauté du Pacifique, dont le siège est à Nouméa, poursuit vaille que vaille, avec ses modestes moyens, essentiellement alimentés par les ressources financières « octroyées » par quelques pays développés, des programmes de coopération qui ont, en fait, peu d’effets économiques et sociaux « visibles » pour les pays insulaires concernés.

Par contre, les bureaucraties régionales multiplient colloques, séminaires, symposiums, conférences régionales et autres machines à palabres. C’est ainsi que l’un des thèmes à la mode est la montée des eaux qui risquent de submerger certaines îles du Pacifique. Les appels à la « conscience internationale » se multiplient, sans que, là aussi, les populations concernées voient émerger de vraies actions de prévention ou d’anticipation en leur faveur.

Il faut souligner le rôle particulier de l’Union Européenne, qui, par le partenariat avec les Pays ACP (Afrique – Caraïbes – Pacifique) encourage et finance de plus en plus des programmes régionaux pour une plus grande intégration entre Pays insulaires.

Les multinationales historiques de l’Union européenne, et, plus récemment, des puissances économiques du « Grand Pacifique » (essentiellement du Pacifique Nord) ont déjà fait main basse sur les principales ressources significatives du pacifique insulaire.

C’est notamment le cas, bien sûr, de la Chine qui rattrape à grand pas son retard en matière d’implantation économique dans la région. La diplomatie économique chinoise « tous azimuts » monte en régime dans tous les pays de la planète et de la région (Amérique du Sud…) et pas seulement en Polynésie française… tant la « puissance de frappe » chinoise est impressionnante.

Dans ce schéma du « pot de fer » contre le « pot de terre », quelles sont les marges de manoeuvre pour la Polynésie française ?

Je ne militerai pas, paradoxalement, pour une fermeture dans le but de nous protéger de ces forces extérieures qui vont nous « balayer si on s’ouvre davantage ». C’est là le discours des craintifs ou de ceux qui veulent sauvegarder leurs rentes au détriment des populations locales. Leur patriotisme économique cache en fait le patriotisme de leur propre porte-feuille.

Il faut s’ouvrir, car l’ouverture est source d’émulation, d’amélioration de la compétitivité-qualité et de la compétitivité-prix. Nous devons, nous aussi, avec nos quelques atouts, partir à la conquête des marchés étrangers. Partons du principe plutôt sain que puisque leurs marchandises viennent chez nous, vendons aussi nos produits et services exportables chez eux : tourisme, perles, produits de niches exportés…

Nous devons adapter notre « diplomatie économique  » en conséquence :

  • créer un marché unique avec nos cousins calédoniens,
  • participer activement aux accords d’intégration économique entre pays insulaires,
  • réviser notre politique d’incitation aux investissements étrangers,
  • inciter les pays développés à une plus grande réciprocité économique et à sortir d’une logique de « commerce prédateur » en s’appuyant sur la diplomatie économique française,
  • demander aux grands pays exportateurs de biens et services en Polynésie française des compensations sous forme de programmes de coopération : programmes d’assistance technique et de formation, transferts d’expertise et de savoir-faire,programme de facilitation des exportations polynésiennes dans leur pays, aide à la construction d’équipements structurants, prêts à taux préférentiels en faveur de projets viables…

La solution viable à long terme est de participer activement à cette mondialisation économique, car de toutes les façons, celle-ci se poursuivra avec ou sans nous. Elle n’est pas de récréer une bulle artificielle entre « l’intérieur » et « l’extérieur ».

Il est un fait historique de long terme. L’ouverture économique a toujours bénéficié aux populations. Certes, elle exige de nos entreprises des efforts d’adaptation continuels, mais celles-ci auront une satisfaction à la clé : mieux servir les consommateurs polynésiens et étrangers en produits et services au rapport qualité-prix toujours amélioré.

Sommes-nous prêts à affronter le grand large, comme les ancêtres des polynésiens l’ont fait il y a de cela plusieurs centaines d’années ?


Réponses

  1. « Sommes-nous prêts à affronter le grand large, comme les ancêtres des polynésiens l’ont fait il y a de cela plusieurs centaines d’années ? » Bien sur que non, parce que les ancêtres des indigènes n‘étaient pas des « polynésiens » comme les habitants de la Faratahinésie s‘autodesignent souvent. Affronter le grand large avec les moyens bien adaptées c‘est l‘histoire, un passé souvent mal connue, oublié et transformé en mythe! Adapter la Faratahinésie à un contexte économique et politique international, même au niveau régional est plutôt une affaire national française. La Faratahinésie est quasiment inexistante dans le contexte du Pacifique Sud parce que elle est considéré comme une partie de la France – la réalité brut et simple – elle n‘est pas maitre de son propre destin, même loin de ça. Pourquoi un seul pays développé doit aider un autre pays développé – la France – dans la même manière comme elle aide un pays de tiers-monde? Pourquoi demander « aux grands pays exportateurs de biens et services en Polynésie française des compensations sous forme de programmes de coopération : programmes d’assistance technique et de formation, transferts d’expertise et de savoir-faire,programme de facilitation des exportations polynésiennes dans leur pays, aide à la construction d’équipements structurants, prêts à taux préférentiels en faveur de projets viables » ? Proposer ça, c‘est admettre l‘échec total dans toutes les domaines de la Faratahinésie, par exemple la domaine comme la si chère « éducation national » ? Un habitant de Manono – Sāmoa demande: Where do you live? Reponse: In Tahiti ! Reponse: Ah, that‘s the millionaires place! Alors, aider les millionaires conduire leur Porsche Cayenne défiscalisée ?

  2. Ia orana
    oe e Dr. Funk tane
    tt le monde

    À te lire, je me dis que pour les tenants d’une Polynésie devant, absolument, s’auto-qualifier de française, c’est pas gagné. LOL.

    Mais, confronté à cette agression, à cette entreprise programmée de gommage, d’éradication soft de l’identité Ma’ohi, ce n’est pas si rigolo que ça finalement,

    Sournoisement, Polynésie se fait sa place et dans 2 à 3 générations, nous ne seront plus Ma’ohi des Tuamotu, Ma’ohi des Tuha’a pae, Ma’ohi de Raromatai, Ma’ohi du Fenua Enana, non. Nous ne serons plus que des Polynésiens français amorphes autorisant les Français Polynésiens à parachever la colonisation et subissant stoïquement tous les cataclysmes qui vont bien avec.

    En effet, Tout le monde le sait. La Polynésie n’a aucune consistance, ni culturelle, ni juridique sauf intramuros française à l’instar des dénominations territoriales (régionales ou locales) françaises. La Polynésie n’est qu’une construction intellectuelle française toute récente.

    Et en effet, nous sommes toujours une colonie française. À ce titre, nous n’avons aucune chance de nous ‘intégrer ou de fusionner économiquement avec qui que ce soit dans notre zone naturelle de rayonnement culturel. La France, peut être, quoique, même s’ils font partis du même camp, nos amis aussies, néozélandais et ricains ne l’entendent de cette oreille. À chacun son pré carré et les moutons seront bien gardés.

    Pour finir, en réponse a

    « Pourquoi un seul pays développé doit aider un autre pays développé – la France – dans la même manière comme elle aide un pays de tiers-monde? »

    Je dirai,

    Primo, en effet aucun pays développé ne reçoit d’aide économique d’un alter ego. Par contre, ils s’entraident pour maintenir leur main mise sur les pays sous développés sous perfusion, tout en essayant, malgré tout, d’augmenter son influence chez le voisin.

    Secundo, il peut néanmoins, arriver qu’un pays développé (La France) devienne le pays sous développé d’un plus gros (La Chine) que lui et bénéficie à ce titre de largesse de ce dernier (investissement). L’accès du créditeur au pré carré de son débiteur en est toujours le prix à payer.

    Ma’ohi Nui (aversion pour les mots finissant en nésie) contrairement aux apparences, n’est pas le solliciteur mais le sollicité. Des forces antagonistes agissent sournoisement (corruption principalement) pour nous lier à l’un ou l’autre camp. Est ce notre futur annoncé? Va savoir. Mauruuru

    Te aroha ia rahi
    parahi ana’e
    petites gens

    • petites gens, un peu d’encouragement en face d’un situation décourageant : Un jeune homme de Sāmoa, étudiant en droit à l’université de Wellington m’a demande : « What’s happening in Tahiti? They’re still a french colony? Why?» réponse: « It seems to be very compIicated, I do not know, maybe the people are afraid of changes. » His answer: They should not be afraid, first there will be a little bit of civil unrest and afterwards everything will be fine!

  3. Salut à @Dr.Funk et @petites gens. Vos analyses et interrogations sont pertinentes et respectables. Je ne sais pas de mon côté quelle position adopter tellement notre société polynésienne est fracturée suivant que l’on soit en bas, au milieu ou en haut. Ce n’est pas une exception polynésienne. Je crois que la Polynésie ou Ma’ohi Nui est tombée dans la marmite de la mondialisation et c’est trop tard pour en sortir. Il n’y a pour s’en convaincre que regarder la télévision et écouter les propos de nos politiques, y compris les indépendantistes qui sont devenus aujourd’hui pragmatiques, eux mêmes dépassés par les évènements, c’est à dire une société du jouir, du divertissement, des réseaux sociaux en bref du superficiel, et une jeunesse laissé pour compte, sans repères, toujours plus nombreuse. Est-ce que l’on pourra tenir longtemps ce train de vie largement au dessus des moyens de ce pays ? Comme dit @petites gens, va savoir.


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