Publié par : hirofarepote | juillet 4, 2009

Affaire des « more » : quand culture polynésienne et économie divergent

vahine tahiti-1La crise de nerfs épidermique de quelques groupes de danse polynésienne qui a défrayé récemment la chronique culturelle est révélatrice de l’un des maux qui frappe la Polynésie contemporaine : la production matérielle se déconnecte de plus en plus de la culture, alors qu’auparavant ces deux dimensions faisaient corps.

Remontons en arrière : il y a une douzaine d’années, on a assisté à un début d’invasion de costumes traditionnels fabriqués aux Philippines ou en micronésie pour satisfaire les besoins de nos groupes traditionnels à moindre coût. Sous la pression du monde culturel et de l’artisanat, nos élus décident « d’orienter » artificiellement la consommation de costumes traditionnels, notamment des more, vers la production locale. En quoi faisant ? En limitant drastiquement la concurrence des produits importés par l’instauration d’une taxe de développement local au taux de 80 %.

Aujourd’hui, gros revirement d’attitude : les mêmes groupes de pression qui réclamaient une telle protection crient au scandale et réclament instamment une libération des importations et la suppression des droits à l’importation, notamment de cette taxe de développement local sur les more importés de Micronésie.

Que s’est-il passé dans l’intervalle ?

La limitation de la concurrence extérieure par l’instauration de droits à l’importation a abouti progressivement à une rente de situation au bénéfice exclusif de quelques artisans polynésiens spécialisés dans la confection de ces costumes. Ils ont peu à peu dicté leurs conditions de production, de disponibilité et de prix face à des consommateurs captifs qui n’avaient plus le choix. Conditions de plus en plus draconiennes qui ont conduit à l’exaspération de ces mêmes consommateurs.

C’est ainsi que les prix se sont progressivement envolés et que la pénurie s’est installée au grand dam des groupes de danse traditionnelle. Dans l’urgence, ces groupes réclament un changement des règles du jeu et exigent du Ministre de la culture qu’il règle immédiatement le problème.

Avec du recul, quel enseignement peut-on en tirer ?

En premier lieu, la fermeture et l’atteinte à la liberté de choix du consommateur est une solution de facilité à court terme et qui ne fait qu’aggraver le problème initial à moyen et long terme.

En second lieu, l’identité culturelle qui liait, dans ce cas précis, danse traditionnelle et production locale de more est dénaturée. Notre folklore se perpétue avec des more micronésiens… meilleurs marchés. Quel étrange renversement de situation ! Plutôt que de s’enfermer dans cette contradiction mortelle pour la culture polynésienne, ne faut-il pas réinventer un nouveau lien entre danse traditionnelle et costumes produits localement ? A moins qu’une certaine conception figée de l’identité culturelle ne rime pas avec créativité et imagination.

En troisième lieu, cet exemple caricatural devrait nous inciter à nous interroger sur le fait que de nombreuses productions traditionnelles deviennent hors de prix pour le consommateur polynésien moyen. Il en est ainsi du lait de coco frais, du « miti hue », du taro, du « umara »…. Ne dit-on pas que le traditionnel « maa tahiti » est devenu un luxe pour les polynésiens habitant la zone urbaine ? Ne parlons même pas des produits maraichers : leur prix s’envolent en même temps qu’ils se raréfient et que leur qualité se dégrade. Il n’y a qu’à observer les tomates vertes, classées en PPN ( !!!) à 620 francs le Kg qui « ornent » les étals de nos supermarchés…

Dans le domaine artisanal, le marché de Papeete est devenu un gigantesque piège à gogos en ce qui concerne les « paréos » polynésiens fabriqués en Indonésie et vendus au décuple du prix normal. Ou quand les mamas de l’artisanat sont transformées en revendeuses de produits importés au détriment du porte-feuille des malheureux touristes qui croient avoir à faire à de la « production locale ». Espérons qu’ils ne sont jamais allés à Bali pour se rendre compte de « l’arnaque » qu’ils subissent !

Identité culturelle, Développement endogène, Production locale ou comment réarticuler ces différentes dimensions sans se scléroser : vaste sujet pour nos Etats Généraux.


Réponses

  1. Tout est une question de comportements et d’état d’esprit.

    Si nous sommes incapables d’être responsables de part et d’autre, alors je suis favorable à la liberté en faveur de la consommation.

    Les consommateurs qui ont un comportement citoyen orienté vers un développement endogéne privilégieront automatiquement la production locale à condition que celle-ci soit de qualité et comparable voire meilleure que celle qui est importée.

    Si le facteur -prix est trop élastique, ce sont les consommateurs qui réguleront .

    la bataille sur les « more » est grotesque!

    quand les groupes ne savent pas ce qu’ils veulent et bien , ouvrons les frontières mais faisons le- pour tout! et qu’ils ne viennent pas dire que la production locale se meurt !

    Il faut savoir ce que l’on veut et quand on est incohérent et bien laissons le marché se réguler tout seul sans aucun interventionnisme.

    Il n’y a pas d’autres solutions.


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